LE SOLEIL VIENT A PEINE
DE GAGNER SA COUCHE
QUE DEJA DES TAS DE NUAGES S'ASSEMBLENT
DANS CETTE VOUTE AZUREE QUI COUVRE
CE MORCEAU DE MER UNIQUE.
LE TEMPS PARAIT MAUSSADE,
LA MER GARDE TOUT SON CALME
PENDANT QU'UNE ETRANGE ODEUR
S'HEXALE DANS L'ATMOSPHERE
DE CETTE PLAGE NATURELLEMENT
PRIVILEGIEE ET QUI A NETTEMENT CHANGE
D'ENVIRONNEMENT.
EST-CE VRAIMENT TOI, CA-IRA?
TOI, CA-IRA
DE MA FOLLE JEUNESSE,
DE MES AMOURS D'ANTAN,
DE MES DOUCES AMITIES
ET DE MES CONNIVENCES.
MAIS OU SONT -ILS, TES FLOTS
DE CRABES MULTICOLORES
QUI JADIS ORNAIENT LES DEUX COTES
DE TON AVENUE?
OU EST DONC PASSE TON DECOR ORIGINAL
QUI A TOUJOURS FAIT DE TOI CETTE PLAGE
A NUL AUTRE PAREIL OU LA RUCHE,
A L'OMBRE DE TES COCOTIERS
NOUS A TOUJOURS FAIT BOIRE
JUSQU'A L'IVRESSE DE SON MIEL
A TRAVERS SES MELODIES?
MELODIE EN GUISE D'OFFRANDE D'AMOUR
POUR BERCER LE COEUR DE YOTTIE
APRES UNE DOUCE PROMENADE.
MELODIE POUR DEUX JUMEAUX ORPHELINS,
T'EN SOUVIENS-TU LA RUCHE?
QUAND A MOI JE N'OUBLIERAI JAMAIS
ET CE LAMPION ET CE CALLEBASSIER
SOUS LEQUEL, A LA RUE DE L'HOPITAL
TU AS DONC PRIS NAISSANCE.
QUE SONT-ILS DEVENUS,
TES COCOTIERS A L'EAU TROP EXQUISE
QUE JE N'AI PAS VUS?
MAIS DIS MOI DONC, O CA-IRA,
ET POUQUOI TOUT A CHANGE ?
DIS-MOI AUSSI MON AMOUR
OU EST PASSEE LA DOUCEUR
DE TES SABLES MOUVANTS
SUR LESQUELS J'AI TANT MARCHE ?
J'AI BEAU FOUILLE, J'AI TANT CHERCHE,
PAS MEME UNE PALOURDE !
DIS-MOI , OUI ENFIN DIS-MOI O CA-IRA,
ET POURQUOI TOUT A COMPLETEMENT CHANGE ?
ET JE LA REGARDE,
OUI ELLE EST ENCORE LA,
LA PETITE CHAPELLE BLEUE
DU PERPETUEL SECOURS,
AVEC SES MURS RONGES, DECOLORES
PAR LES EAUX DU RIVAGE
OU JE ME SUIS RENDU AU LENDEMAIN
DE MA PREMIERE COMMUNION PELERINER.
ET NOUS ETIONS TOUS UNE BANDE DE NOVICES
IGNORANT ENCORE LA REALITE.
PAR CONTRE TA MER,
EN CET ANGELUS QUI S'APPROCHE,
TOUJOURS LA MEME LIMPIDITE
ET QUI N'A RIEN PERDU DE SON CHARME
OU LES AMOUREUX FONT TOUJOURS
PROVISIONS D'ENLACEMENT.
ET CA FAIT DEJA LONGTEMPS,
TROP LONGTEMPS
QUE JE N'AI PAS ASSISTE
A UN COUCHER DU SOLEIL SUR TA PLAGE
APRES TOUTES CES ANNEES
LOIN DE TOI PASSEES.
PRENDS-MOI DONC DANS TES BRAS,
O CA-IRA
ET BERCE-MOI EN CET ANGELUS,
PENDANT QUE JE CONTEMPLE
CETTE PERFECTION DE TABLEAU
EXPOSANT A LA FOIS SPLENDEUR,
SPIRITUALITE ET MAGNIFICENCE.
TOUTE MA REVERENCE A TOI,
INCOMPARABLE ARTISTE-PEINTRE
POUR CETTE PIECE MAITRESSE
D'ART EXCEPTIONEL !
OUI, HONNEUR ET GLOIRE A TA MAJESTE,
O TOI DIVIN CREATEUR,
SOUVERAIN MAITRE DE L'UNIVERS!
OUI, TU ES DIGNE DE RECONNAISSANCE !
ET JE LA SENS ENCORE CE SOIR
CARESSER MON VISAGE, TA BRISE,
TOUJOURS LA MEME DOUCEUR,
ACCOMPAGNEE D'UN CHANT DE CHORALE
D'UNE EXTREME HARMONIE EN PROVENANCE
DE LA PETIE CHAPELLE DONT L'ENCEINTE
EST ENCORE REMPLIE D'AIR.
ET LA SYMPHONIE, LOIN DE S'ACHEVER
DE TRANSFORMER L'ATMOSPHERE
AVEC LA PRESENCE D'OISEAUX
AUX PLUMAGES INDESCRIPTIBLES
SURVOLANT MA TETE
ET DES POISSONS AUX COULEURS
DES PLUS MAGNIFIQUES,
VOLTIGEANT ET RETOMBANT DANS LA MER.
IL Y EN A MEME QUI S'AMASSENT
SUR LE RIVAGE JUSQU'A MES PIEDS.
DROLE DE MYSTERE !
NON LOIN,
UNE ETRANGE CREATURE,
TETE ET POITRINE DE FEMME
PORTANT L'AUREOLE,
A LA CHEVELURE D'ANGE
ET POISSON DE CORPS
ET QUI VIENT JUSTE DE S'AMERRIR.
SON VISAGE RESSEMBLE A UNE FEMME
DE PEAU D'EBENE, CETTE DAME D'ERZULIE
QUI DANS UN TEMPS
SE VOULAIT ETRE MA MAITRESSE
QU'ENFIN DE COMPTE J'AI REPUDIEE.
ET LA MER TOUT A COUP
DE S'AGITER AVEC SA DISPARITION
APRES QUE NOS YEUX SE SONT FIXES.
PANIQUES, LES POISSONS ONT PRIS LE LARGE
SOUS LES FRACAS DU VENT.
ET LES OISEAUX DE QUITTER L'ATMOSPHERE
SOUS L'ECHO DES VAGUES DECHAINES
DANS LA PLUS TOTALE OBSCURITE
QUI A ACCOUCHE
UN REDOUTABLE COUP DE TONNERRE
QUAND TOUT REDEVIENT LUMIERE ET SILENCE,
UN VRAI COUP DU CIEL !
ET LA MYSTERIEUSE COMPAGNE
DE S'EMERGER A NOUVEAU
POUR M'AVALER DES YEUX
JUSQU' A ME SENTIR ENSORCELLE.
GRANDS YEUX NOIRS RAYONNANT D'ETINCELLES,
LEVRES PRECOCES, VISAGE ALLONGE ET SOURIANT,
UNE BEAUTE INDENIABLE REPRESENTANT
L'IMAGE REELLE DE CETTE PETITE FILLE
CONTRAINTE A L'EXIL POUR L'AMOUR D'UN SOLDAT
ET REAPPARUE DANS LES EAUX DE CA-IRA
APRES TRENTE TROIS LONGUES ANNEES.
DROLE D'ILLUSION !
DE MES YEUX GRAND OUVERTS
ET JE NE VEUX PAS CROIRE
A UN TEL MYTHE.
OH NON ! LAISSE MOI EN TA PRESENCE
LARMOYER CETTE DOULEUR
QUI ME RONGE LE COEUR DEPUIS TON DEPART.
O TOI FEMME MURIE CONSERVANT ENCORE
LES TRAITS DE PETITE FILLE D'HIER
AU COEUR TROP LOURD,
DIS-MOI QUE T'ES VENUE RESTAURER
MON HONNEUR PERDU,
PANSER MON AME DE SES BLESSURES
ET ME GUERIR LE COEUR DE TANT DE CICATRICES.
TOI, DOUCE PETITE AMIE,
QUI M'AS INSPIRE D'UN SI GRAND AMOUR
DONT ON S'EST JURE DE PROTEGER
JUSQU'A CE QUE LES RIVIERES N'ONT PLUS D'EAU.
ET TU AS DISPARU COMME DE L'OMBRE
DEPUIS CE JOUR OU TU M'AS RENIE
POUR SAUVER TA PEAU
EN CHOISISSANT TOUT CONTRE TOI
LE CHEMIN DE L'EXIL.
ET LE CIEL EN CE JOUR, NOUNE
A BEAUCOUP PLEURE TON DEPART
JUSQU'A FAIRE TOMBER DU FEU DE SA COLERE
SUR L'EGLISE DU QUARTIER.
ET DEPUIS TOUT COMME UN FOU ,NOUNE
ET DE PARTOUT JE T'AI CHERCHEE
POUR NE JAMAIS TE RETRACER
JUSQU'A TON APPARITION A MOI CE SOIR
DANS LES EAUX DE CA-IRA.
DE BOUTILIERS A LA BOULE,
DU PIC MACAYA JUSQU'AU MORNE LA SELLE.
DE CAPESTERE A BASSE TERRE
ET SUR LES HAUTEURS DE MARIGOT,
NON LOIN DE LA SOUFRIERE
NOUNE, ET TU N'Y ETAIS PAS.
J'AI FOUILLE TOUTES LES CELLULES
DE FORT DIMANCHE,
J'AI AUSSI FRANCHI DES PIRES LIGNES ADVERSES,
J'AI MEME BRAVE DES EXPLOSIONS DE BOMBES
DANS CE COIN DE LA SYRIE OU LES MILITANTS
D'ARAFAT SONT EVINCES.
J'AI CHERCHE PARMI DES CENTAINES DE FEMMES
ASSASSINEES A SHATILA,
APRES LE RATISSAGE D'ARIEL SHARON,
ET TON CADAVRE NOUNE, N'Y ETAIT PAS.
J'AI AUSSI MARCHE SUR LES BORDS DE LA SEINE,
J'AI MEME PARCOURU TOUT LE NIL
JUSQU'AUX FLEUVES DU JOURDAIN
A TA RECHERCHE, NOUNE TU N'Y ETAIS PAS.
J'AI BOUSQUE DANS LES PYRAMIDES,
FEUILLETE TOUTES LES BRANCHES
DES CEDRES DU LIBAN,
J'AI VISITE LE MUR DES LAMENTATIONS,
NOUNE, TU N'Y ETAIS PAS.
ET SOUS LES DECOMBRES DES DEUX BUILDINGS
DU WORLD TRADE CENTER
OU J'AI CRU POUVOIR ENFIN
RECUPERER TON CADAVRE. HELAS !
TOUT N'ETAIT QU'ILLUSION
JUSQU'A TA MYSTERIEUSE PRESENCE
DANS LES EAUX DE CA-IRA
TRENTE TROIS ANS APRES.
TRENTE TROIS ANS !
OUI , TRENTE TROIS LONGUES ANNEES
DEPUIS QUE JE SOUFFRE DE TON ABSCENCE.
ET TU AS ENFIN ENTENDU
LE CRI DE MON COEUR.
MERCI D'ETRE VENUE A MA RESCOUSSE
APRES TOUTES CES ANNEES DE SOUFFRANCES
ET QUI N'ONT RIEN EFFACE
DE TON EMPREINTE D'AMOUR DANS MON COEUR
POUR AVOIR GARDE ENCORE
ET JUSQU'A CE SOIR TA PHOTO,
MA RELIQUE ET MON TRESOR SECRET,
GAGE IRREFUTABLE DE NOTRE PACTE
DEPUIS TRENTE TROIS ANS,
ET DONT CE SOIR EN TA PRESENCE
JE VAIS LA NOYER POUR TOUT EN FINIR
CAR MON COEUR EN A ASSEZ
DE CETTE MELANCOLIE
AU GOUT DE VENIN.
A CES MOTS ELLE BAISSA LA TETE
ET PRIT LE LARGE
JUSQU'A SA DISPARITION DANS L'OCEAN.
SIDERE, ET JE M'ASSEOIS
SUR UN TRONC POURRI DE COCOTIER
EN REGARDANT CETTE VOUTE
D'AZUR CONSTELLEE,
QUI COUVRE CE MORCEAU DE MER UNIQUE
ET QUI DEGAGE POUR L'INSTANT
TOUTE UNE VAGUE DE MELODIES
ET QUI SE MELENT AUX EFFLEUREMENTS
DE CETTE DOUCE BRISE NOCTURNE
QUI N'A CESSE DE ME CARESSER LE VISAGE
SUR UNE PLAGE NATURELLEMENT PRIVILIGIEE.
UNE VRAIE SERENITE DE PARADIS!
ET DANS CETTE ATMOSPHERE
REMPLIE DE MYSTERE
ET DE SOUVENIRS,
MIEUX VAUT RENDRE L'AME
SUR TON RIVAGE, O CA-IRA
QUE D'ENTENDRE MON COEUR GEMIR
SUR LA DISPARITION DE TES FLOTS
DE CRABES MULTICOLORES
QUI JADIS ORNAIENT LES DEUX COTES
DE TON AVENUE,
AU LIEU D'LAISSER MES LARMES COULER
SUR LES TRONCS POURRIS DE TES COCOTIERS,
ET SUR L'ABSCENCE DE TES MARECAGES
A L'ODEUR FRUITEE.
ET TANT QUE JE RESPIRE
ET JE ME SOUVIENDRAI ENCORE DE TOI.
TOI, CA-RA
DE MA FOLLE JEUNESSE,
DE MES AMOURS D'ANTAN,
DE MES DOUCES AMITIES
ET DE MES CONNIVENCES.
MAIS DIS-MOI DONC, CA-IRA,
ET POURQUOI TOUT A CHANGE ?
ESMET AMILCAR OSCAR,
LEOGANE, NOVEMBRE 2006
QUI SOUFFRENT DE NOSTAGIE
LOIN DE NOTRE LEOGANE CHERIE.
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