LA PRESENCE D'UN BROUILLARD QUI S'IMPOSE
M'OBLIGE A METTRE FIN AVANT L'HEURE
A MON BOULOT DE CE DIMANCHE DE PAQUES
APRES UNE JOURNEE SOUS UN SOLEIL
DE PLOMB PASSEE A NETTOYER
ET ENGRAISSER DES BANANIERS.
ASSIS SUR DES RACINES
D'UN GRAND PIED DE FRUITS A PAIN
DANS CETTE BANLIEUE DE MARIGOT
SUR LES HAUTEURS DE BASSE-TERRE
OU JE VIS SEUL
SUR CENT DIX HECTARES DE TERRE,
PLANTEE SEULEMENT EN BANANES
AVEC UNE PETITE MAISON DE CAMPAGNE
PAREE D'UN ORANGER POUR DEMEURE,
LOIN DE MA DOUCE LEOGANE
ET JE REGARDE EPERDU, TOMBER
COMME DES SOLDATS LARGUES
EN TERRITOIRE ENNEMI,
TOUT COMME DES GRAINS DE NEIGE
EN FIN DE TEMPETE
DES FRUITS A PAIN TOUT AUTOUR
ET DES FEUILLES DE BANANIERS
DANCER ET BALANCER
AU SON D'UNE MUSIQUE DOUCE
ET LEGERE DISPENSEE PAR UN VENT
FRAICHEMENT TEMPERE,
VENANT JUSQU'AU DELA DE LA SOUFRIERE
EN CET APRES-MIDI DU DIMANCHE DE PAQUE
QUAND J'AI TOUT A COUP SENTI
VIBRER AU DEDANS DE MOI
COMME UNE ETRANGE NOSTALGIE
QUE J'AI JAMAIS CONNUE AVANT,
UNE VRAIE SOUFFRANCE D'UN SOIR !
AU FUR ET A MESURE
QUE LE BROUILLARD S'EPAISSE,
QUE J'ENTEND DES VOIX DE SAMBA
MELEES AUX RONFFLEMENTS DES BAMBOUS,
DES ROULEMENTS DE TAMBOUR,
DES BAGUETTES FRAPPANT SUR DES CAISSES
ET DES ECLATEMENTS DE TROMPETTE
COMME SE RAPPROCHER
POUR NE PLUS ME QUITTER LES OREILLES.
ET J'IMAGINE CETTE EXPLOSION DE RYTHME,
CETTE FOULE EN DELIRE,
CETTE MARREE HUMAINE
QUI SAUTE ET QUI DANSE
AU SON D'UNE MUSIQUE
SACCADEE, ORIGINALE,
OFFRANT A LA FOIS
CE SPECTACLE EPOUSTOUFLANT
POUR UN MONDE VENU DE PARTOUT
ET QUE SEULE LEOGANE,
OUI, SEULE LEOGANE A DONC LE MENU-SECRET.
J'IMAGINE AUSSI
LA PRESENCE DE CES JOLIES CREOLES,
ELEGAMMENT PAREES,
AUX ALLURES MAJESTUEUSES
DANS LE DEFILE TRADITIONNEL
DE NOS BANDES QUI FONT REVIVRE
LES COULEURS D'ANTAN.
ET ANACAONA,
UNE FOIS DE PLUS DE SE RETROUVER
DANS TOUTE SA SPLENDEUR ROYALE
EN CET APRES-MIDI DU DIMANCHE DE PAQUE.
LEOGANE CHERIE ,
VILLE AUTHENTIQUE ET SOUVERAINE,
A TES PIEDS JE M'INCLINE
EN CE SOIR DE NOSTALGIE !
SEUL ENCORE,
LES YEUX FERMES,
PERDU DANS MA SOUFFRANCE,
ET J'AI COMME DOUTE MAINTENANT
SOUS MES PAUPIERES D'UN SPECTRE
AU VISAGE D'UNE FEMME
QUI VIT ENCORE LOIN DE MOI
ET QUE JE VOIS S'APPROCHER EN CET ANGELUS
AU MOMENT DE CE SOUFFLE MELANCOLIQUE.
O BONHEUR !
YOLENE! EST -CE TOI OU L'OMBRE DE TOI!
SI VRAI EST-CE TOI, FROLE-MOI !
PENDANT QUE JE T'INVITE AVEC MOI,
A SAVOURER CETTE DOUCE MUSIQUE
QUE NOUS APPORTE
CE P'TIT VENT FROID ET QUI NOUS VIENT
DU COTE DE LA SOUFRIERE,
A REGARDER AUSSI DANSER
CES FEUILLES DE BANANIERS
TROP CONTENTES DE TE VOIR,
A ECOUTER ENFIN CHANTER
CES ANOLIS DANS LEUR DERNIER
REFRAIN DU SOIR, REMERCIANT LE TRES-HAUT
APRES UNE JOURNEE BIEN REMPLIE.
ET CETTE MERE POULE ,
LA-BAS QUI VIENT PASSER LA NUIT
SUR LE PETIT ORANGER,
NE L'AS-TU PAS REMARQUEE
ET QUI DEJA RECHAUFFE SES PETITS POUSSINS?
RECHAUFFE-MOI AUSSI CHERIE,
OUI, RECHAUFFE-MOI,
SEULE TA CHALEUR EN CE SOIR
DU DIMANCHE DE PAQUE PEUT
VRAIMENT ADOUCIR MA SOUFFRANCE
ET SURTOUT APAISER MA SOIF D'AMOUR.
ET POURQUOI NE PAS AUSSI PROFITER
DU PASSAGE DE CETTE BRISE CALINE
ET COMBLER CETTE ENVIE
QUI ME FAIT GRELOTTER D'EMOTION?
O MERDE, LACHE-MOI!
JE T'EN PRIE, LACHE MOI !
CETTE FUTEE DE PLUIE,
FAUT PAS QUE JE ME LAISSE MOUILLER
APRES CETTE JOURNEE PASSEE
SOUS UN SOLEIL DE PLOMB A NETTOYER
ET ENGRAISSER DES BANANIERS.
NON, LACHE-MOI !
DESOLE, FAUT-IL QUE JE RENTRE.
SEUL, TOUT SEUL DANS MON PETIT UNIVERS
AVEC UN BRUIT FRACASSANT
D'UNE PLUIE EN COLERE SUR MON TOIT
ET J'AI COMME RESSENTI POUR L'INSTANT
LE DOUX FROLEMENT DE SON CORPS
QUI ME MANQUE EN CE SOIR
DU DIMANCHE DE PAQUE.
O NOSTALGIE !
DOUCE ET TERRIBLE SOUFFRANCE D'UN SOIR !
EST-CE UN REVE OU UNE VISION ?
ESMET AMILCAR OSCAR,
MARIGOT, GUADELOUPE 1981.
A MME. MARIE YOLENE FRANCOIS OSCAR.
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