UNE LEGERETE DE BRISE MATINALE,
EN PROVENANCE DU CHAMP DE MARS,
SOUS FORTE ESCORTE DES PREMIERS
RAYONS D'UN SOLEIL TIMIDE
ET QUI CARESSE GRACIEUSEMENT
LA TRENTE-TROISIEME EN FORMATION,
PRETE A DEPOSERLE KAKI ET QUITTER
LA COUR EN CETTE JOURNEE DE LIBERTE
DE LA TOUSSAINT PENDANT QUE MA PRESENCE
QUI SE FAIT ENCORE ATTENDRE,
POUR AVOIR ETE EN RETARD RELEVE
DE MON POSTE DE SENTINELLE
OU JE VIENS DE PASSER DOUZE HEURES
DEFENDANT LE PORTAIL DU PALAIS,
VU LE NOMBRE RESTREINT
DES MILITAIRES AFFECTES AU CORPS
DE LA GARDE PRESIDENTIELLE,
HORMIS CEUX-LA QUI A TORT
OU A RAISON CROUPISSENT ENCORE
DANS LEUR CELLULE DU PENITENCIER
SUR ORDRE DIRECT D'UN BRIGADIER GENERAL
ASSOIFFE DE VENGEANCE ET QUI PREND
TOUJOURS PLAISIR A JETER
SES VICTIMES EN ENFER.
CETTE JOURNEE DU PREMIER NOVEMBRE
QUE MES COLLEGUES ET MOI,
ATTENDIONS AVEC ENTHOUSIASME
POUR LA SOIREE DES GUEDES AU BEL AIR.
CE DEFOULEMENT AU SEIN DE LA TROUPE
QUI RAPPELLE ENCORE CE PREMIER JOUR
DE LIBERTE OCTROYEE
APRES NOS SEPT MOIS DE RECRUTEMENT.
JUSTE LE TEMPS DE DEPOSER FUSIL,
CARTOUCHERE ET BAIONETTE
ET REJOINDRE, EMPRESSE
LA FORMATION POUR LE RENVOI,
QUAND LE SERGENT CHARGE A LA DISCIPLINE
M'APPROCHA ET SANS RAISON APPARENTE
POUR M'INTIMER L'ORDRE D'ALLER COURIR.
CE SERGENT-FOURRIER,
TRES HOSTILE A NOTRE EGARD
DEPUIS NOTRE INTEGRATION AU CORPS
DE LA GARDE PRESIDENTIELLE,
JALOUX AUSSI DE NOTRE FORMATION MILITAIRE
ET DE NOTRE PERFOMANCE DE SOLDAT,
HERITAGE DU CORPS D'ELITE DES LEOPARDS.
IL EN A MEME PROFITE POUR ME SOUMETTRE
A UNE BRIMADE DES PLUS VENGERESSES,
A QUI J'AI REPLIQUE JUSQU'A DESOBEIR,
CE QUI A PROVOQUE LA COLERE DU GENERAL
DEPUIS SA FENETRE D'OBSERVATION
DU TROISIEME ETAGE
QUI M'A FAIT VITE MONTER EN SES BUREAUX.
ENCORE UN AUTRE JALOUX
QUI NOUS A TOUJOURS TRAITES DE PRIVILIGIES
COMPARATIVEMENT AUX DEBOIRES QU'IL A CONNUS
ET SES AMERES EXPERIENCES VECUES
DU TEMPS DE L'OCCUPATION AMERICAINE
QUAND DES BLANCS, AIME-T-IL SOUVENT REPETER,
FLANQUES DE LEURS CHIENS
SE LIVRAIENT A UNE VERITABLE CHASSE A L'HOMME,
AUX FINS DE RECRUTEMENT FORCE POUR UNE ARMEE
QUI FERA DES TORTS IRREPARABLES AU PAYS
DONT IL SERA UN JOUR LE BRIGADIER GENERAL.
UNE FOIS EN SES BUREAUX
ET SOUS LE REGARD VIGILANT
D'UNE PHOTO DE PAPA DOC DUVALIER,
ET LE GENERAL, FURIEUX COMME UN LION
DE SES PROPRES MAINS
M'ARRACHA ET MES INSIGNES ET MES EPAULETTES,
S'EMPARANT AUSSI DE MES FIORITURES.
COMME UN CONDAMNE
QUI NE DOIT PAS SE DEFENDRE
ET JE SUIS RESTE BOUCHE BEE, TETE BAISSEE
FACE A CE GEANT DE PILATE
POUR NE PAS AMPLIFIER DAVANTAGE
LA COLERE DU BRIGADIER GENERAL
QUI ORDONNE A MON BOURREAU DE SERGEANT
DE TIRER MON CEINTURON ET M'ENVOYER,
SOUS FORME DE DETENTION PROVISOIRE
EN CET ENFER DU PENITENCIER NATIONAL
OU J'Y PASSERAI VINGT CINQ JOURS.
UNE DECISION
QUI A BEAUCOUP PLU AU SERGEANT-FOURRIER
VU CE SOURIRE MALICIEUX
QU'IL S'AFFICHE AU VISAGE.
ESMET OSCAR
1er.Decembre 1972.
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